Aimer l’adulte que tu es… tout en guérissant ton enfant intérieur

Peut-on vraiment s’aimer en tant qu’adulte sans jamais revisiter les blessures de notre enfance ? Et est-il raisonnable de croire qu’il faut s’imaginer enfant pour mériter la compassion ? Ces questions traversent les débats autour de l’approche de « l’enfant intérieur ». Mais faut-il vraiment opposer ces deux dimensions de nous-mêmes ? Ne seraient-elles pas, au contraire, les deux faces d’une même quête d’estime de soi ?

Cet article explore une perspective nuancée : revisiter notre enfance blessée, non pas pour fuir notre présent, mais pour réconcilier l’innocence passée et la maturité présente. Et si accueillir son enfant intérieur était une manière puissante de se reparentaliser avec bienveillance, tout en reconnaissant que l’adulte que nous sommes est déjà digne d’amour ?

Le pouvoir de la reparentalité : une rencontre avec soi-même

Dans le travail de reparentalité, il ne s’agit pas de nier notre responsabilité actuelle ou de déléguer notre valeur à une version plus « pure » de nous-mêmes. Il s’agit de reconnaître qu’en chacun de nous vit une trace mnésique, affective, corporelle, de l’enfant que nous avons été. Et que cet enfant a parfois reçu des messages de honte, d’abandon ou de peur, qui continuent d’influencer silencieusement nos réactions d’adultes.

La psychologie du développement et les neurosciences affectives confirment que les premières années de la vie construisent des modèles internes de sécurité affective. Revenir en imagination vers cet enfant, c’est aller rencontrer ces modèles, pour les découvrir, les comprendre, et parfois les transformer.

L’enfant intérieur comme figure de compassion, non comme refuge

Il est vrai que certains discours risquent de présenter l’enfant intérieur comme le seul être digne de notre amour, par sa supposée innocence. Mais cette lecture est réductrice. L’enfant n’est pas un mythe de pureté, mais un repère émotionnel : celui d’une part vulnérable, authentique, souvent mise de côté par les exigences de la vie adulte.

Faire appel à cette image n’est pas nier la dignité de l’adulte, mais au contraire l’élargir : accueillir en soi toutes les parts de son expérience, passées et présentes. L’enfant intérieur devient alors un guide vers l’auto-compassion, pas une condition pour la mériter.

Se donner l’amour inconditionnel qu’on attendait

La thérapie de reparentalité enseigne que l’on peut devenir aujourd’hui l’adulte bienveillant que l’on aurait aimé avoir à ses côtés. Cela ne veut pas dire qu’on rejette l’adulte qu’on est, mais qu’on lui offre la chance de grandir en apaisant ses réactivités nées de blessures anciennes.

C’est un acte de maturité que de prendre soin de son enfant intérieur. Non pour rester figé dans un passé idéalisé, mais pour renforcer la sécurité interne, la stabilité émotionnelle, et la capacité à aimer l’adulte que nous sommes. C’est un travail qui vise l’intégration, pas la régression.

Vers une estime de soi intégrative

Il est temps de sortir des oppositions stériles. Ce n’est pas l’enfant ou l’adulte qu’il faut choisir d’aimer : c’est l’ensemble de notre histoire qu’il faut réconcilier. L’approche de l’enfant intérieur n’est pas un renoncement à l’adulte, mais une façon de lui offrir les ressources intérieures pour se sentir sûr, entier, et digne.

Aimer l’adulte que nous sommes passe aussi par la reconnaissance de toutes les versions de nous-mêmes, y compris les plus anciennes, les plus blessées. Car en fin de compte, la seule condition pour mériter l’amour, c’est d’être humain.